© Jean-Michael Séminaro

SABA HERAVI

Exposition à la Galerie de l'Atelier Circulaire
9 mai-22 juin

Vernissage
9 mai, de 17h00 à 19h30

Présentation et discussion
22 mai, à 17h30 

Le corpus Lingering Traces (Des traces qui persistent) de Saba Heravi s’inscrit dans une mouvance d’archive personnelle et d’exploration autobiographique et identitaire. Il s’ancre dans la documentation photographique de la maison familiale en Iran et l’enregistrement de témoignages de la grand-mère de l’artiste, relatant différents moments de vie.

Heravi détourne le rapport au réel de ces captations en tirant profit de la capacité des arts imprimés à transformer l’image photographique, lui conférant à la fois matérialité et mystère. En effet, l’utilisation de la gravure photopolymère sur argile cellulosique* ou papier japonais lui permet d’arrimer le caractère évanescent du passé à la fragilité de ces supports, tout en développant une esthétique se rapprochant des photos anciennes. Les œuvres qui en découlent possèdent ainsi une aura de nostalgie ou de rêve; elles semblent mettre en doute la véracité de la mémoire et porter un regard à la fois sensible et critique sur les distorsions que l’éloignement physique et le passage du temps induisent dans nos propres souvenirs.

La fragmentation, en de multiples petites images dont l’addition créée des narrations où chacun.e injecte sa propre subjectivité, est aussi une stratégie mise en œuvre pour faire ressentir l’effacement et la déconstruction de la linéarité temporelle. Nous la retrouvons donc dans le dispositif par lequel le public peut accéder aux témoignages de l’aïeule de Saba Heravi, en appuyant doucement sur les tuiles d’argile cellulosique qui activent chacune une partie d’un récit dont l’ordre est toujours changeant. Morceau par morceau, nous tentons de reconstruire le cours d’une vie qui nous est étrangère, mais qui suscite néanmoins des sentiments familiers d’attachement et de filiation. Ceci est vrai malgré qu’une mise à distance linguistique s’observe par l’utilisation du farsi dans les enregistrements, une langue sans doute inconnue pour la majorité d’entre nous mais qui porte certainement une charge affective pour l’artiste.

En réconciliant une recherche formelle de l’image imprimée et des dispositifs interactifs à une quête de sens qui va au-delà de l’art, Des traces qui persistent explore l’identité et la construction de soi liées à la famille, à la mémoire intergénérationnelle et aux racines dans un contexte d’immigration, tout en s’inspirant de processus mnésiques inhérents à toute expérience humaine.

-Texte de Marie-Pier Bocquet

*L’argile cellulosique, aussi appelée terre-papier ou argile papier, est une argile renforcée de fibres de papier. Les fibres permettent entre autres à l’argile de supporter le passage dans une presse de gravure.

 

Bio

Saba Heravi est une artiste irano-canadienne basée à Tiohtiá:ke/Montréal. Elle est née en Iran et a déménagé au Canada en 2012. Après avoir obtenu un baccalauréat en architecture en Iran, elle a complété sa maîtrise en génie du bâtiment à Concordia University. En 2015, Saba a décidé d’étudier dans le programme de beaux-arts de Concordia University et a obtenu un baccalauréat en arts visuels en 2019. Sa pratique se situe autour du dessin, de la céramique et des arts imprimés. Ses œuvres abordent l’idée du foyer, de la mémoire et de l’identité en tant qu’exploration de soi-même. Elle a participé à des résidences à l’Atelier Circulaire et à la Maison des métiers d’art de Québec. Ses œuvres  ont été présentées dans plusieurs expositions à Montréal,  notamment à Artch (2019), au Centre culturel Georges-Vanier (2019), à la galerie McClure (2021), Maison de la Culture Notre-Dame-de-Grâce (2022), et Arprim (2023). Son travail le plus récent sera présenté dans une exposition à l'Atelier Circulaire (2024).

Démarche artistique

La pratique d'Heravi est une contemplation de la maison, de la mémoire et de l'identité. Les souvenirs du passé changent avec le temps et la géographie. Au fil du temps, ses souvenirs se modifient. Parfois, elle choisit d'oublier certaines parties consciemment, et parfois cela se produit à son insu. Toutes ces transformations dans ses souvenirs définissent l'histoire et ce qui fait l'identité. Elle utilise ces transformations comme des portes d'entrée pour réexaminer ses souvenirs et trouver différentes façons de les représenter.
À travers différents médiums tels que le dessin, la céramique et la gravure, Heravi essaie de se reconstruire et de trouver son identité à travers ses souvenirs et ses rencontres passées. La fragilité de l'argile capte son imagination, car elle reflète la fragilité de la mémoire. Comme les souvenirs, l'argile est à la fois vulnérable et durable, portant la mémoire de ce qu'elle a vécu. Chaque fragment de l'argile est porteur d'un récit, tout comme les fragments de nos souvenirs qui nous façonnent. Dans son travail, la gravure est un outil puissant pour archiver les images et les émotions qu'elle cherche à transmettre. Chaque impression devient un cliché unique d'un moment dans le temps.
La gravure et la céramique ont toutes deux le pouvoir d'archiver et de préserver, car elles capturent des fragments d'histoire et de mémoire grâce à leur matérialité. À travers son travail, Heravi cherche à créer un dialogue sur l'interconnexion de la maison, de la mémoire et de l'identité.
En utilisant des matériaux porteurs de leur propre histoire et de leur propre mémoire, elle espère transmettre l'idée que nos expériences et nos identités individuelles sont multiples et complexes, et qu'elles peuvent être à la fois fragiles et durables.

 

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