RAPHAËLLE GROULX-JULIEN TUCKER KAPP Exposition à la Galerie de l'Atelier Circulaire 4 juillet - 27 juillet Exposition évolutive. Performance progressive pendant la durée de l’exposition. Vernissage & Présentation Jeudi 4 juillet - 16h30 à 18h30 (présentation à 17h00) Finissage Samedi 27 juillet - 17h à 19h (présentation à 18h) Journées d'ouverture au public Vendredi 5 juillet - 13h30 à 18h30 (permanence Tucker) Jeudi 11 juillet - 12h à 18h ((permanence Raphaëlle) Samedi 20 juillet - 12h à 18h (permanence Tucker) Mercredi 24 juillet - 12h à 18h (permanence Raphaëlle) Ouverture possible sur rendez-vous en écrivant à [email protected] et [email protected]
L'Atelier Circulaire est heureux d'annoncer l'exposition Échantillonner le réel, présentée par Raphaëlle Groulx-Julien et Tucker Kapp au terme de leur résidence d'un an de recherche et de création à l'Atelier Circulaire. Raphaëlle Groulx-Julien et Tucker Frederick Kapp sont respectivement récipiendaires de la bourse François-Xavier Marange 2022 et 2023.
Échantillonner le réel est une coexposition évolutive.La réalisation d’échantillons vise à étudier le particulier afin d’en étendre l’interprétation au général. Le propre de l’échantillon existe dans cette tension dialectique, cette conversation, entre le spécifique et le vaste en tant que paysages du réel. Échantillonner le réel est donc un pléonasme: on ne peut échantillonner que quelque chose de réel.
La tâche paraît impossible — prendre une poignée d’individus pour représenter une société ou carotter quelques mètres cubes du fond marin afin de se figurer son immensité semble aussi hasardeux que de lire des feuilles de thé. Et pourtant, en s’accumulant, les échantillons permettent de sonder, représenter, figurer et toucher la particularité et l’immensité du réel.
Infusions
Raphaëlle Groulx-Julien
Dans ma pratique, j'interroge le rapport de l'image à sa matérialité, le lien entre la lecture abstraite du visuel et la nature concrète de l'objet. Pendant cette résidence, je voulais travailler sur l’idée de dissolution, la possibilité de déliter de la matière pour qu’elle se mêle à d’autres. Le projet a pris la forme d'une exploration de la représentation de feuilles de thé en train d’infuser. J’ai été interpellée d’abord par la géométrie végétale des feuilles, l’effet de profondeur de champs entre la surface sur laquelle flottait le thé et le fond de la tasse, les couleurs chaudes, la coloration progressive du liquide, le développement des feuilles et leur mouvement constant, les effets de bulles et de vapeurs. Au-delà du visuel, de la nature apaisante d’un paysage miniature, mes sens ont été stimulés par l’odeur agréable d’un liquide que j’allais pouvoir avaler. Ce sujet d'apparence simple souligne les limites du visuel dans l'appréhension sensorielle du monde. J’ai utilisé l’eau forte et l’aquatinte avec des rehauts d'aquarelle et de peinture à l'huile, ainsi que la gravure sur bois de bout, pour rendre diverses matérialités de différents thés, et souligner ainsi le caractère non définitif de l'image. Surtout, ces images demeurent iconographiques, perceptibles uniquement par le regard. Je les croise donc également avec la céramique : le fait de boire du thé dans des gobelets reprenant une image de ces infusions influence-t-il la consommation de l'image au mur?
L'écran est un écran
Tucker Frederick Kapp
Les choses que nous convoquons sur nos écrans, qu’il s’agisse de mots ou d’images, sont présentes dans une sorte d’absence. On a beau penser qu’elles sont là, elles sont ailleurs. Nous prenons ce que nous voyons sur nos écrans pour la réalité, écartant la question de la représentation en associant l’écran plutôt à une fenêtre qu’un voile. On y projette ce qui n’est pas là, la réalité de la chose représentée, en abstrayant ce qui est effectivement « là » : des pixels.
Pendant cette résidence, j’ai cherché à matérialiser et échantillonner les trames pixellaires de différents écrans ainsi que de creuser l’esthétique profonde de certains outils de l’écrit. J’avais beau penser les pixels carrés et homogènes: il n’en était rien. De formes diverses, de couleurs variables, chaque écran possède un micromonde qui résiste d’ordinaire à nos regards et à nos questionnements. Mais aussi, et surtout : il y a de l’espace entre les pixels, des endroits d’où n’émerge aucune lumière. Et encore : un texte noir sur blanc éteint les pixels, orientant l’œil au-delà de l’écran, derrière le voile.
Pour cette exposition, j’ai traduit ma recherche photographique digitale en une série de photogravures, augmentées par les techniques de l’aquatinte et de l’eau forte, par des impressions fantômes ou superposées, par l’impression typographique, l’installation vidéo, la performance et la sculpture.
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Raphaëlle Groulx-Julien vit et travaille à Montréal. Elle vient de compléter sa maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’UQÀM (2024), où elle avait également effectué son baccalauréat (2020). Son exposition finale, L’étant aimé, a été présentée à la galerie Popop en janvier 2024. Elle participe à des expositions collectives et auto-gérées à Montréal depuis 2016. Elle a également présenté son travail à New York dans une exposition collective en deux phases, à l’Atlantic Gallery en août 2021, et à la galerie Jill Krutick Fine Art en octobre de la même année. Elle a participé à la troisième édition d’Artch en 2020. Ses images ont été publiées dans la revue Canadian Art (hiver 2021), dans la revue Item (printemps 2022), et dans le journal Le Devoir (16 mai 2020). Elle a rédigé un article à paraître dans la revue Esse à l’automne 2024.
Récipiendaire de la bourse François-Xavier Marange en arts d’impression, elle est en résidence à l’Atelier Circulaire depuis septembre 2023.
Sa démarche consiste à tenter de saisir les émerveillements furtifs qu'elle éprouve au quotidien. Des reflets, des effets d’ombres et de lumières, des textures, des fleurs qui sortent des bordures des trottoirs, des couleurs vives d’images publicitaires dont elle ignore les messages : elle est intriguée par le contraste qui marque le caractère presque trivial de ce qu'elle regarde, et l’émotion que ces visions provoquent. Elles lui font basculer du banal vers le féérique. Dans sa pratique, elle interroge la source de son émerveillement, et ce qu’il dit de son rapport au monde.
Elle choisit des sujets ordinaires, comme du thé en train d’infuser ou des photographies de plantes qu'elle croise dans la rue, et elle travaille avec des objets résiduels, des retailles, des contreformes d’autres projets. Elle les fait passer par le filtre d’une matérialité précieuse, pour opérer un décalage vers le merveilleux.
Elle emploie pour se faire des techniques traditionnelles, souvent anciennes, requérant de l’attention, un important investissement en temps, et parfois des formations spécialisées – par exemple pour l’utilisation d’argiles de couleur ou la pose d’or à la feuille. Elle adopte une approche multidisciplinaire, axée sur la maîtrise de techniques et de gestes, et sur la connaissance des matériaux et des médiums qu'elle travaille. Dans ses corpus, elle cherche à créer une discussion entre différentes techniques et matérialités. Elle explore l’hypothèse que ce sont les liens et les contrastes issus de cette interaction entre le banal et le précieux, le brut et le minutieux, qui créent la surprise, constituant le fondement de l’émerveillement.
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Imprimeur-artiste, typographe, poète et dramaturge, Tucker Kapp est actuellement doctorant à l’UQAM en Études et pratiques des arts et artsite en résidence à l’Atelier Circulaire. Il entreprend une thèse-création afin de comprendre en quoi l’outil (manuel/corporel, mécanique ou numérique) conditionne le travail de l’artiste ou de l’écrivain, altérant mécaniquement son rapport aux processus de création. Américain d’origine et Montréalais par moment, il réside en France rurale où il tient une maison d’édition et imprimerie typographique associative, Les Écrits 9.
Sa pratique artistique est multidisciplinaire et multimédia, mêlant les arts imprimés, la création littéraire, l’édition de livres-objets, la performance et le théâtre. Profondément investi dans une démarche continue de recherche-création, il interroge dans son travail créatif les enjeux sociopolitiques, économiques et esthétiques de notre époque. Il porte une attention particulière à la textualité et ses textures, à la représentativité et aux processus de la connaissance, aux questions identitaires, à l’unicité qui peut émerger au sein de la sérialité (notamment dans les techniques d’impression mécanique), à la technologie et la cohabitation analogique/numérique. Qu’il s’agisse d’écrits, de spectacles ou d’œuvres purement visuelles, il essaie de rendre littérales les métaphores et de flouter les cadres conceptuels pour toujours essayer de suggérer plutôt que de nommer. Par la suggestion, il accepte de suspendre les évidences logiques et langagières pour s'ouvrir divers sens qui émergent. Voie de communication sensible, elle libère les interprétations, bouleverse l'attendu. C'est cet imaginaire que j'espère toucher en évoquant sans contourner, en situant sans imposer.
Imprimeur-typographe depuis plus de dix ans, il a découvert dans le travail manuel et profondément processuel une façon d’adopter la contrainte, de coucher le verbe, d’ancrer les envolées et de dire en ne disant pas, la composition typographique s’accomplissant en silence. Par le choix de techniques reproductives auto-limitantes, il est mécaniquement porté vers un esprit de décroissance qui contraste avec les injonctions productivistes qui nous entourent.
Actuellement doctorant en études et pratiques des arts à l’UQAM, ses recherches portent sur le lien texte/technologie et plus spécifiquement sur la création poétique et son imbrication avec un éventail d’outils techniques allant des caractères mobiles de bois et de plomb constitutifs de l’imprimerie de Gutenberg à l’intelligence artificielle générative. Si « le poème nous met au monde » comme le soutenait Guillevic, et si, pour Ricoœur, « le texte est le lieu même où l’auteur advient » — le lieu où la conscience se conçoit — il est primordial d’analyser les structures esthétiques de l’avènement du verbe. En bref : comment la conscience se constitue par la création.
La bourse François-Xavier Marange a été créée en 2014 par l'Atelier Circulaire en collaboration avec la Fondation de l'UQÀM. Elle est remise annuellement à des étudiants talentueux afin de leur permettre de travailler dans un environnement professionnel qui les amènera à développer leur démarche artistique.