©Jean-Michael Séminaro

Portes sans seuils et allumettes

NANCY RETALLACK-LAMBERT

Exposition à la Galerie de l'Atelier Circulaire
18 janvier- 2 mars 2024

Vernissage
18 janvier de 17h30 à 22h30

Visite personnelle de Nancy Lambert
Mercredi 24 janvier, de 14h à 16h 

Dans cette exposition Portes sans seuils et allumettes, Nancy Retallack-Lambert utilise les arts d’impression pour créer une installation mettant en adéquation des portes réelles et leurs copies imprimées.

Suspendues dans la salle d’exposition, ces portes sans seuils sont inopérantes vis-à-vis de leur fonction première – il n’est pas possible de les traverser et elles ne délimitent pas l’espace. Elles paraissent mises en valeur pour leurs qualités plastiques et tactiles, lesquelles sont davantage en exergue dans leurs doubles, présentés en face-à-face. Ne relevant pas du trompe-l’œil, l’impression par frottement affirme néanmoins la contiguïté directe entre l’objet et sa représentation, et le papier permet d’aplatir la tridimensionnalité pour montrer simultanément l’endroit et l’envers. Les dualités de l’intérieur et de l’extérieur, l’idée de l’ouverture et du passage de l’un à l’autre, des mondes qui s’opposent sont ici évoqués, bien que la mise en exposition soutienne une lecture plus conceptuelle.

Le processus développé dans ce corpus étant reproductible, l’artiste propose également en contrepoids une version miniature axée sur le motif de l’allumette, où s’exprime encore davantage le paradoxe entre l’exploration en apparence clinique d’un objet donné et le ludisme qu’elle sous-tend.

En effet, l’exploration du motif de l’allumette est bonifiée par le texte Treize façons de regarder une allumette, qui rappelle la prévalence des statements dans l’art conceptuel. Cet énoncé donne des indications au public sur la nature de l’objet à voir, ce qui renforce la référence à l’installation iconique One and Three Chairs (1965) de Joseph Kosuth, présentant une chaise réelle, représentée et sa définition. Mais ici, plutôt que de s’astreindre au dictionnaire, Retallack-Lambert utilise plutôt le texte sous une forme poétique libre qui souligne une impression d’absurdité et d’humour.

Texte de Marie-Pier Bocquet

 

Biographie et démarche

Doublement diplômée de l'École des Beaux-arts de Montréal en communication graphique et en pédagogie de l’art, Retallack-Lambert a poursuivi l’étude de la gravure dans les ateliers d'Albert Dumouchel et d'Yves Gaucher, ainsi qu’à GRAFF. Elle a ensuite terminé des études en philosophie et en éducation artistique à l'Université Concordia, où elle a obtenu une maîtrise et un doctorat. Elle a travaillé pendant trente ans comme professeure titulaire au sein de la formation des maîtres en arts de l'Université de Montréal. Lauréate du premier prix BIAM 2012, d'un prix à la Galerie Presse Papier, d'un autre de Télé-Québec BIECTR 2013 ainsi que du prix Galerie Piroir BIECTR 2013, elle a eu une exposition solo présentant 123 gravures en eau-forte à la Maison de la Culture Mercier en 2015. Actuellement, son travail en gravure et en peinture se fait principalement à son atelier à Saint-Armand.

La figuration est au centre de sa production artistique et les moyens qu'elle utilise pour raconter son lien avec le monde des apparences, varient selon les situations.
Cependant, depuis une vingtaine d’années, l’estampe sous toutes ses formes est devenue son moyen d’expression privilégié. Ses images prennent vie en eau-forte, en gravure sur bois de bout, en bois gravé, en linogravure et en monotype. Le contenu iconique est en relation avec les choses merveilleuses du monde naturel et bâti (par exemple : les oiseaux, les arbres, les bâtiments) et aussi avec le phénomène de changement chez l’être humain. Habituellement, sa production prend la forme de livres d’artistes.
Son art a toujours été une sorte de documentation de son expérience vécue, de l'impact du monde extérieur sur son monde intérieur. Comme le processus traditionnel de réalisation d’une gravure est long et complexe, elle réalise des croquis, et de plus en plus souvent des clichés photographiques des moments les plus exceptionnels.  Chaque gravure, alors, incarne tout simplement un moment de son passage. Elle documente le chevauchement de la vie sur la mort, de l’anonymat sur la célébrité, du personnel sur l’institutionnel. Chacune d'entre elles rend visible le hasard du moment, chaque situation donnant une multitude de significations latentes et explicites.

Dans cette exposition, c’est un ensemble de portes destinées au dépotoir et les restes d’une tentative d’allumer une poêle récalcitrante dans son atelier, qu’ont fournie les points de départ d’incursions dans deux mondes nouveaux. Le statisme des portes et l’insignifiance d’allumettes brulées étaient niés par le regard de l'artiste. Leurs présences lui offraient, une fois de plus, l'opportunité de participer au phénomène de changement dans le temps et dans l'espace. L’émotion qui la pousse d’essayer d’arrêter le temps en faisant de la gravure est parfois présente et cristallisée dans sa production. Car même si l'on ne peut aller à l’encontre de la qualité évanescente des moments privilégiés, la permanence relative d’une gravure ne peut être remise en question.