Once in a Lifetime
Pour son exposition à l’Atelier Circulaire, Amery Sandford propose Once in a Lifetime (Une fois dans une vie), une installation d’art imprimé qui investit l’espace de la galerie par l’utilisation de sérigraphies et de sculptures.
À travers cette oeuvre, l’artiste explore la fabrication (ou le démantèlement) d’un curieux évènement. La scène, se déroulant dans un espace public indéfini, pourrait décrire un festival branché voué à l’échec, un rassemblement calamiteux pour la fête nationale ou un concert attendu depuis des mois tournant au fiasco.
Les dessins affichés dans la vitrine de la galerie, d’un style qui rappelle l’imagerie de la littérature pour enfant, donnent une série d’indices : une estrade vide, un chantier abandonné, un décor scénique déposé au milieu de nulle part, des cordons de sécurité placés pour accueillir une foule absente. Le déroulé des accidents ayant mené à cette scène n’est pas clair. C’est au visiteur de construire un cheminement narratif vers la catastrophe.
Dans les ruines de cette grande célébration, ce sont en fait les coulisses que l’on regarde. Le chaos décrit sur les sérigraphies se traduit dans la scénographie même de l’exposition. De l’extérieur, la maladresse volontaire de l’accrochage des affiches contraste avec l’environnement « flambant rénové » du Pôle de Gaspé. Les affiches cachent péniblement ce qu’il se passe à l’intérieur de la galerie : une orgie de sculptures molles dont les formes tentent désespéremment de reproduire des éléments du panorama extérieur. Leur disposition aléatoire ajoute à la confusion générale, mais elle est en fait le résultat du choix des visiteurs qui peuvent les manipuler comme bon leur semble.
Avec Once in a Lifetime (une fois dans une vie), Amery Sandford perturbe le spectacle diffus dans lequel nous vivons en rendant outrageusement visible son aspect factice. Avec un regard critique et amusé, l’artiste met en parallèle les dessous du cérémonial des grandes manifestations populaires et le caractère évènementiel de la présente exposition. Par cette stratégie, elle amène le visiteur à sortir de son rôle habituel de contemplateur passif et l’invite à s’interroger sur la construction symbolique des évènements. Dans un monde où le « le spectacle s’est mélangé à toute réalité, en l’irradiant *», Amery Sandford valorise ainsi l’Être qui fait défaut au Paraître.
Gauthier Melin
* Guy Debord. Commentaires sur la société du spectacle (1988), éd. Gallimard, Paris, 1992, p.23